Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Feuilletez cet ouvrage

Pour découvrir le premier chapitre... un clic sur la couverture !

Recherche

Archives

8 février 2010 1 08 /02 /février /2010 10:00

   L’abeille mellifère reconnaîtrait-elle son éleveur, un peu comme un chat, un chien, une vache ou un cheval ? Impossible, me direz-vous ! La question est tout de même posée depuis 2005. À l’époque, trois chercheurs allemand, australien et anglais concluent à cette possibilité au terme d’une série de tests surprenants[1]. Perplexe, l’équipe de Martin Giurfa du Centre de recherches sur la cognition animale (CNRS/Université Paul Sabatier) à Toulouse, a voulu vérifier cette aptitude difficile à croire pour un insecte et un cerveau aussi minuscule. Et elle vient d’en publier les résultats[2].

P0806_1-copie-1.jpg                                                                                                                  © V. Tardieu

Elles distingueraient un homme en particulier !
   Croyez-vous que cette reconnaissance soit purement aléatoire ? Liée au dégagement d’odeurs ou de phéromones particulières de leur maître ? À un comportement particulier de ce dernier ? Au son de sa voix ? Vous n’y êtes pas du tout : c’est par l’identification visuelle que la reconnaissance s’effectuerait chez l’abeille. Certains chercheurs avaient d’ailleurs, en 2002, déjà assuré au cours de tests que les guêpes parvenaient à reconnaître certains de leurs congénères. En 2005, les scientifiques anglo-saxons ont cette fois entraîné différentes abeilles à reconnaître le visage d’un homme, sur photos noir et blanc, au cours d’essais standard utilisés en psychologie humaine.
   Et ça marche ! Du moins l’assuraient-ils. Ainsi, lorsqu’ils présentèrent aux abeilles sa photo parmi celle de six autres hommes, les hyménoptères parvinrent à distinguer le visage de leur héros - appris préalablement au cours de tests avec récompense sucrée à la clé en cas de réussite et sirop amer en cas d’erreur. L’exactitude des réponses aurait même été supérieure à 80 %. « Le niveau d'identification est impressionnant si on considère que les stimuli visuels utilisés pour ces expériences sont issus d'un essai standard pour lequel les sujets humains éprouvent un certain degré de difficulté. » notent alors, admiratifs, les expérimentateurs. Sacrée Apis mellifera dont le cerveau a pourtant moins de 0,000001 % du nombre de neurones de leurs bergers humains !

TestImageAbeille1Graphiques des six "visages" et des images de visages destructurés soumis à l'apprentissage des abeilles par l'équipe du CNRS-Université P. Sabatier - © JEB

Dessins ou photographies ?
   À la suite des vérifications de l'étudiante Aurore Avarguès à Toulouse – en lien avec Adrian G. Dyer de l’Université australienne Monash, l’un des auteurs des essais de 2005 - les neuro-entomologistes français relativisent les capacités cognitives d’Apis mellifera. Ils n’en soulignent pas moins ses surprenantes facultés.
   Des abeilles ont été introduites au sein d’un labyrinthe avec plusieurs passages conduisant à des dessins de différents portraits en noir et blanc. Ces représentations graphiques comportent deux points pour signifier les yeux, un trait vertical pour le nez et un autre, horizontal, pour la bouche. Le tout étant plus ou moins épais ou rapproché (voir l'illustration ci-dessus). Et les abeilles ont été récompensées par un sirop sucré lorsqu’elles ont appris à reconnaître ces images.
   « Nous n’étions pas du tout convaincus par l’utilisation de photographies dans l’étude anglo-saxonne, car celles-ci ne permettaient pas d’exclure que les abeilles s’appuient sur d’autres paramètres visuels que les traits schématiques étant à la base de la configuration d’un visage. Des ombres, des zones de gris ou de plus grande clarté, par exemple. » me confiait la semaine dernière Martin Giurfa. Les dessins aux traits constituent, selon lui, un cadre graphique beaucoup plus contrôlable dans ce type d’expérience sur l’abeille, sans interférence possible avec d’autres effets visuels.

Identification d’un visage ou de sa forme ?
   La première chose qu’a mise en évidence l’équipe de Giurfa, c’est que les abeilles sont effectivement capables d’apprendre à repérer les traits de la « catégorie visage humain », parmi d’autres configurations graphiques qui leur ont été soumises. Et le fait de rapprocher les points des yeux ou les traits du nez et de la bouche n’y changent rien : quels que soient les dessins des six visages schématisés, les abeilles réussissent à distinguer ceux-ci parmi d’autres formes graphiques utilisant les mêmes composants (traits et points), mais ordonnés de façon différente.

TestVisageAbeille4Graphiques de visages" aux traits ou photographies enrichies par des traits caractéristiques de visages  soumis à l'apprentissage des abeilles par l'équipe du CNRS-Université P. Sabatier - © JEB

   Même succès lorsque vous enrichissez ces dessins en les plaçant sur des photographies en noir&blanc : l’abeille est encore capable d’identifier ces « visages » (ci-dessus). Ce qui n’est plus vraiment le cas en face de photos sans ces repères aux traits structurant des têtes humaines (ci-dessous). Plus surprenant peut-être, lorsque les scientifiques ont appauvri ces configurations graphiques, en supprimant l’un des éléments - les yeux ou le nez, par exemple -, la reconnaissance par ces cobayes ailés de la structure « visage » est restée significative. Enlevez maintenant les cheveux à ces photos-graphiques, nos chères butineuses sont à la peine... Allez savoir pourquoi !                                                                                                                                      © JEBTestVisageAbeille5
   En revanche, si vous leur proposez des dessins ou des photos avec les mêmes éléments composant un visage, mais organisés de façon aléatoire, à l’envers par exemple, les taux de reconnaissance chute très nettement. « Cela signifie que pour leur permettre de mémoriser un « visage », chaque élément qui le forme doit être à sa bonne place. » résume le scientifique de Toulouse. Et ces reconnaissances successives sont sans ambiguïté : les réponses à ces différents tests d’apprentissage dépassent les 60 %.

Des outils neurologiques forgés par l’évolution
   « Pour nous, poursuit Giurfa, cette série de tests prouve que l’abeille mellifère est capable d’apprendre à reconnaître des configurations assez précises. En l’occurrence, dans nos tests, des « visages » humains. Mais il faut remettre cet essai en perspective avec le développement évolutif de l’abeille, qui n’est pas conçue pour reconnaître un visage humain. Cela ne lui ait d’aucune utilité dans son développement naturel, alors qu’il lui sera tout à fait essentiel d’identifier et de distinguer les différentes plantes entre elles par les formes des fleurs, radiales ou bilatérales par exemple. Et si nous avions remplacé les graphiques ou les photos enrichies de visages humains par des fleurs aux structures différentes, nous aurions à coup sûr enregistré les mêmes succès d’apprentissage. »
   Il y a là une différence clé avec les êtres humains et les primates qui ont, eux, besoin de reconnaître et distinguer les visages entre eux. Si bien qu’au cours de l’évolution ils ont développé dans leur cerveau des aires très spécialisées de reconnaissance des visages. « Cette aptitude des humains et des primates a pu se forger à partir d’aires cérébrales plus archaïques du point de vue évolutif permettant déjà de « configurer », c’est-à-dire de reconnaître et d’apprendre des formes et des structures relativement simples », précise le chercheur universitaire.

chevrefeuille.jpg                                                                                                    © F. Zehar

   Il apparaît ainsi, à la lumière de cette nouvelle étude sur l’abeille, que nous partageons avec elle cette capacité de « configuration ». « L’abeille est effectivement douée d’une grande capacité d’apprentissage et d’un certain niveau d’abstraction, conclue Martin Giurfa. Certainement pas d’une aptitude à identifier un visage en particulier, notamment celui de son gardien ! » Cela témoigne, sans doute, d'une jolie tentation anthropocentrique. Un rêve d’apiculteur ou de naturaliste ?

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
[1]Dyer A. G. et al. (2005) “Honeybee (Apis mellifera) vision can discriminate between and recognise images of human faces”, The Journal of Experimental Biology, 208, 4709-4714.
Pour télécharger cette étude, cliquez pdficon2.gif.

 [2]Avarguès-Weber A. et al. (2010) “Configural processing enables discrimination and categorization of face-like stimuli in honeybees”, The Journal of Experimental Biology, 213, 593-601.
Pour télécharger cette étude, cliquez pdficon2.gif.

Partager cet article
Repost0
5 février 2010 5 05 /02 /février /2010 10:57
AbeilleLonguesAntennes  © Nicolas J. Vereecken 
   L'association écologiste helvétique Pro Natura a fait de l'abeille aux longues antennes son emblême de l'année 2010. Une année consacrée par la Convention internationale de la diversité biologique à la sauvegarde mondiale la Biodiversité. Succédant à l'ours brun, Eucera nigrescens sera ainsi "le porte-drapeau des quelques 580 espèces d’abeilles sauvages vivant en Suisse", précise l'association.
AbeilleLonguesAntennes3                                                                                                                                                                             © DR
   Solitaire, cette charmante abeille sauvage niche au sein d'un terrier qu’elle aménage dans un sol nu, sablonneux ou limoneux. Pour se nourrir, l'espèce s’est spécialisée dans les plantes à fleurs de la famille des Papillionacées, et notamment des orchidées. AbeilleLonguesAntennes2C’est pourquoi cette abeille aux allure d'antilope ailée se rencontre surtout dans des prairies sèches et les zones dites de glaisières. Sa période de vol s’étend à peu près de mai à la fin juillet.
                            © Nicolas J. Vereecken
Partager cet article
Repost0
5 février 2010 5 05 /02 /février /2010 10:49
Abeille sur cerisier                                                                                                                                             © AFP
Cette abeille sur un cerisier nous vient de Taïwan. L'arbre fruitier, déjà en fleurs, témoignerait du réchauffement climatique pour les scientifiques du pays...


Partager cet article
Repost0
26 janvier 2010 2 26 /01 /janvier /2010 11:00

Grain de pollen.jpg   Coup double pour l’INRA d’Avignon ! Et pour Cédric Alaux en particulier, un tout jeune chercheur décidément brillant, en post-doctorat dans ce centre, qui est le principal auteur de ces deux études. En effet, en plus des preuves apportées sur l’impact d’une combinaison délétère de deux agresseurs chez l’abeille, l’équipe d’Avignon vient de démontrer dans une étude publiée ce 20 janvier l’importance des qualités de pollen sur la santé des hyménoptères[1]. « Nous nous sommes rendus compte, au cours de nombreux tests avec six préparations de pollen, qu’il vaut mieux donner aux abeilles des pollens polyfloraux (issus de différentes espèces végétales) que monofloraux (d’une seule espèce). Et cela même lorsque le pollen monofloral est plus riche en protéines. », résume Yves Le Conte de l’INRA d’Avignon. Ce qui revient à dire que la clé d’une bonne santé pour l’insecte n’est pas la quantité de pollen (et de protéines associées), mais bien sa diversité !

   Évident ? Peut-être. Encore fallait-il le démontrer. Et cette étude étaye deux affirmations pas toujours bien établies, du moins pour l’abeille. D’une part que l’impact des monocultures florales réduit la qualité du bol alimentaire de nos chères butineuses. D’autre part qu’il faut toujours privilégier une source diversifiée de micronutriments. Car au-delà des protéines essentielles pour la résistance des abeilles aux maladies, les pollens offrent aussi quantité d’acides aminés (protides), d’amidon (glucides), de lipides (en particulier des stérols), de vitamines (A, D, E et K, l’acide folique et la biotine) et d’éléments minéraux.

 Premières abeilles sur romarin.jpg

                                 Un bourdon sur les premières fleurs de romarin dans la garrigue héraultaise © V. Tardieu

   « Consommez donc cinq fleurs différentes par jour !» Voilà le nouveau précepte alimentaire qu’il va falloir placarder sur chaque ruche de France. Car les chercheurs d’Avignon se sont aperçus qu’une diversité florale favorise nettement la sécrétion du principal marqueur d’immunité sociale (la gluco-oxydase, essentielle pour aseptiser les nourritures stockées dans la ruche).

   Pour les autres marqueurs immunitaires, cette fois individuels, telle la concentration des hémocytes (phagocytant et encapsulant les parasites qui envahissent le corps de l’abeille), des corps gras ou l’activité phenoloxidase, l’impact est moins net. « On observe néanmoins un léger effet au niveau des corps gras, qui sont des tissus situés dans l'abdomen des abeilles », me précise Cédric Alaux. Leur rôle ? « C’est dans ces tissus que sont généralement produits les peptides antimicrobiens, l'hormone vitelleogénine (jouant un rôle clé dans la longévité) et où sont stockés les réserves énergétique et protéininiques. Et il semble que la diversité en protéines alimentaires, par les pollens, favorise un meilleur développement de ces tissus. Une expérience réalisée sur l'alimentation des larves de bourdons a montré des résultats similaires[2]. Les larves nourries avec plusieurs pollens étaient en effet plus grosses que celles ayant été nourries avec un seul pollen »

   Ainsi, en composant un bouquet pollinique plus ou moins riche en protéines et autres micronutriments, l’abeille parvient à satisfaire l’essentiel de ses besoins biologiques et immunitaires. Tout comme nous avec une alimentation diversifiée, c’est-à-dire équilibrée ! À noter, au passage, que la quantité de pollen consommée par abeille et par jour, durant ces dix jours d’expérience, fut à peu près équivalente.

 

24938855 348bf2e127

                                                                                                                                                                 © Stéphanie Booth

Fleurir les bords de route

   Est-ce que la constitution de friches apicoles, dans les zones de grandes cultures, à dominante monoflorale, constitue la solution d’avenir pour obtenir une diète équilibrée ? LA solution ? Sans doute pas. L’une d’elle, certainement. C'est surtout l’enrichissement du paysage agricole partout en France d’éléments semi-naturels (haies, bosquets, friches de bordure..), riches en diversité floristique, qui demeure la clé de cette alimentation diversifiée.

   Dernier effet en tout cas du Grenelle de l’Environnement, l’annonce faite la semaine dernière par les ministères de l’Écologie et des Transports de semer des graines de plantes mellifères dès le printemps prochain le long des routes de France. « Les bords de route, chemins, talus et fossés, représentent plus de 500.000 hectares en France (soit 47 villes comme Paris). » rappelle le Réseau Biodiversité pour les abeilles, à l’origine de cette mesure et qui milite depuis quatre ans pour la multiplication des friches mellifères partout dans le paysage.

   Les ministères s’engagent pour le moment sur une zone test de 250 km de routes nationales dans les régions du nord, du nord-ouest, du sud-ouest, du massif central et de l’Atlantique. Puis, si au bout de trois ans le bilan est jugé positif par le Réseau Biodiversité pour les abeilles, l’expérience sera étendue le long de 12 000 km d’axes routiers. Un fauchage tardif dans la saison sera également expérimenté aux bords de ces routes afin de laisser se développer une pleine floraison. « Je me demande bien si ça sera efficace ça, s’interroge, dubitatif, Yves Le Conte : si c’est pour que les abeilles finissent écrasées sur le pare-brise des voitures en cherchant à rejoindre l’autre bord... »

Floraison massive de grande marguerite, fin mai, au bord d'une autoroute                                                     Floraison massive de grande marguerite, fin mai, au bord d'une autoroute © UCL  

   Cohérence... pour tous !

   Plus critique, l’Union Nationale de l’Apiculture Française pointe l’incohérence des politiques actuelles : « ré-autoriser le Cruiser[3] au cours de l’Année Internationale de la Biodiversité et dans le même temps engager une action de communication sur “ le fleurissement des accotements routiers” s’avèrent contradictoires » souligne Henri Clément. Peut-être. De même, l'on peut légitimement s'interroger sur le fait de savoir si les bords de route, plutôt pollués, constituent vraiment la priorité des espaces anthropisés à remettre en "fleurs"... Cela ne me saute pas aux yeux ! Pour autant, ces jachères de bord de route n’ont-elles aucun intérêt pour l'abeille ? « L’UNAF demande une véritable réorientation de l’agriculture afin qu’à une vaste échelle, des cultures mellifères également pertinentes pour le monde agricole (sainfoin, trèfle, luzerne) soient semées. Alors que la France préfère importer des quantités colossales de tourteaux d’Amérique du Sud pour alimenter le bétail. » Et accepte de réduire considérablement ses cultures de luzerne au profit de l’importation de tourteaux de soja américain.

   À l’appui de ce souci de cohérence tout à fait salutaire, on espère entendre désormais plus souvent l’UNAF  défendre les jachères fleuries en milieu agricole et s’opposer plus fermement aux politiques d’intensivité agricole défendues par les syndicats agricoles majoritaires avec lesquels ils ont longtemps été liés[4]...

 



[1] Alaux C. et al (2010) Diet effects on honeybee immunocompetence, Biology Letters.
Cliquez sur l'icône pour télécharger cette étude. .

[2] Tasei, J. N. & Aupinel, P. (2008) Nutritive value of 15 single pollens and pollen mixes tested on larvae produced by bumblebee workers (Bombus terrestris, Hymenoptera: Apidae). Apidologie 39, 397–409.

[3] Le ministre Bruno Le Maire vient de proroger, très discrètement, d’une année supplémentaire ce pesticide protégeant les semences de maïs après deux ans d’observation. Malgré la forte hostilité des mouvements apicoles, ce suivi n’a pas montré d’effet nocif évident sur les colonies d’abeilles. Mais l’évidence, on le sait à présent en matière d’impact des pesticides, est une notion à manier avec circonspection... Disons qu’au regard des études de l’Afssa et des observations de terrain, le Cruiser ne semble pas entraîner de mortalité massive et brutale des colonies.  D’où l’avancée hésitante du Ministre.

[4] Cette critique nouvelle de l’UNAF serait-elle liée au fait que la FNSEA vient très récemment de faire du petit SPMF (le Syndicat des producteurs de miel de France), concurrent de l’UNAF, sa branche apicole officielle ?

Partager cet article
Repost0
26 janvier 2010 2 26 /01 /janvier /2010 10:00

Cette fois, ça y est ! On a la preuve qu’une exposition croisée des abeilles à un pathogène et à un pesticide (le Gaucho), même à très faible dose, peut entraîner des morts rapides et massives. C’est ce que nous avions annoncé dans notre livre L’étrange silence des abeilles dès septembre, grâce à un entretien que j’avais eu avec Luc Belzunces de l’INRA d’Avignon. Mais à présent l’étude dont il est l’un des coordinateurs vient d’être publiée dans une revue scientifique académique[1]. Un joli succès pour les équipes de l’INRA d’Avignon![2]  Un succès qui se double de la publication la semaine dernière, par  ce même institut, d’une autre publication innovante sur l’impact des qualités de pollen pour les abeilles.


    L’impact des interactions de facteurs prouvé

Abeille Morte.jpg« C’est la première fois qu’est prouvé ce fameux effet de combinaison des facteurs entre pesticide et pathogène dont on parle tous depuis quelques années ! » se félicite Yves Le Conte qui a dirigé cet essai avec Luc Belzunces. Prudent, l’apidologue d’Avignon que je viens longuement d’interviewer s’empresse d’ajouter qu’il n’explique pas toutes les mortalités ni les effets d’effondrement brutaux des colonies, comme on l’a observé aux États-Unis, par ce seul type de synergie. « Il peut en exister bien d’autres. Et il faudrait pouvoir tester à présent nos facteurs sur des ruches entières [15 000 à 70 000 individus en interaction selon la saison] et non plus, comme ici en laboratoire sur des cagettes d’une centaine d’abeilles. »

Le premier constat des chercheurs est que l’exposition d’abeilles naissantes à différentes doses d’imidaclopride (la substance active du pesticide Gaucho)[3] dans un sirop de sucre ou à 200 000 spores du champignon parasite Nosema ceranae entraînent peu ou pas d’effet sur l’insecte. Encore que les groupes d’abeilles infectées par le micro-champignon consomment nettement plus de sirops sucré que les autres, conformément aux observations faites par l’Américain Dhruba Naug de l’Université du Colorado, et que nous rapportions dans notre livre : une anormale “sensation de faim” chez ces abeilles parasitées[4] ... Or, si dans la ruche, ou ici en expérimentation, la source de nourriture est contaminée par un pesticide, l’exposition toxique des abeilles parasitées devrait s’accroître. En outre, chez ces mêmes abeilles infectées par N. ceranae – et sans exposition à l’imidaclopride - les chercheurs d’Avignon ont tout de même enregistré quelque 30 % de mortalité au bout du 10e jour d’expérience. Pas nul ! Rien de tel pour les groupes d’abeilles exposées au seul Gaucho: avec une concentration de 0,7 ppb de sa matière active, cette mortalité est inférieure à 10 % ; elle est juste supérieure à 15 % pour les deux concentrations plus élevées.

Deuxième constat : en mêlant les stress, les choses se gâtent nettement ! « Lorsqu’on les expose aux deux stress en même temps, on enregistre de fortes mortalités au bout de dix jours. », indique l’apidologue de l’INRA. Chez les groupes doublement exposés, celle-ci dépasse en effet les 40 % à 70 % au bout du 10e jour, selon les concentrations d’imidaclopride dans les sirops. « Cet effet conjugué n’est pas seulement additionnel mais bien synergétique : il est supérieur à la somme des mortalités des deux facteurs pris isolément. »

Butineuse d'une crucifère sauvage.jpg                                                                                                                     © Aiguebrun Adjaya

Des pistes mais pas encore d’explication

Pour l’instant, les scientifiques n’expliquent pas vraiment ce mécanisme, même si tout le monde peut avoir l’intuition que la conjugaison de chacun de ces stress affaiblit d’autant plus l’abeille. « On observe, en tout cas, une baisse de l’immunité sur certains marqueurs que l’on suivait, précise Yves Le Conte : c’est très net sur le marqueur d’« immunité sociale » qu'est la gluco-oxydase. Il s’agit d’une enzyme qui dégrade le sucre en produisant de l’eau oxygénée, ce qui a un pouvoir anti-bactérien. Or l’abeille ne le sécrète pas pour elle-même mais bien pour la colonie. Produite dans ses glandes hypopharyngiennes, cette gluco-oxydase est mêlée à la gelée royale. Les nourrices la régurgitent notamment au sein des cellules du couvain. »

Un formidable procédé de stérilisation alimentaire ! D’où le fait que cette baisse de sécrétion de la gluco-oxydase, ainsi que de la taille des glandes où elle est produite, peuvent avoir un effet en chaîne à la fois sur les abeilles restant à l’intérieur du nid et sur les larves, donc les prochaines générations de la colonie. C’est donc bien la cohésion et l’avenir du groupe que ce cocktail d’agresseurs menace. Une vraie bombe à retardement en somme pour la colonie !

Cette combinaison des deux stress ne semblent pas perturber, en revanche, les marqueurs de l’immunité individuelle – ceux qui protègent directement l’organisme contre les pathogènes. Du moins, pas ceux retenus par cette expérience. D’autres marqueurs enzymatiques et peptides anti-bactériens pourraient-ils tout de même être affectés par ces deux agresseurs ? L'étude n'y répond pas.


    Passer de l’étude d’impact du gène à la colonie entière

    Abeille Morte.jpgProchaine étape, début mars et durant trois ans, l’équipe va amplifier ses investigations sur les interactions entre facteurs. Non seulement en précisant ce qui se passe chez les reines et les mâles dont on a mis en cause des pertes de fertilité ou de durée de vie. Mais aussi en étudiant ces mécanismes à l’échelle de la colonie tout entière.

Parallèlement, l’équipe d’Avignon va analyser l’impact croisé de plusieurs parasites, virus et pesticide (une autre molécule que le Gaucho, mais toujours de la famille chimique des néonicotinoïdes mise en cause) à l’échelle du génome des abeilles. L’objectif : préciser quels gènes ou ensemble de gènes sont affectés par ces stress en combinaison, c’est-à-dire sous-exprimés ou sur-exprimés.

    Ces deux nouveaux volets s’effectueront dans le cadre du programme européen BeeDOC, destiné justement à tester différentes hypothèses d’interactions des facteurs à risque pour l’abeille (parasites, virus et pesticides) dans cinq pays. Et chacun espère sortir de ces essais lourds et complexes avec un scénario testé et reproductible de combinaisons fatales pour les abeilles. Ceux-là même qui provoquent régulièrement les fameux syndromes d’effondrement des colonies (CCD) observés de part et d’autre de l’Atlantique. « On saura alors vraiment qui fait quoi, et de quelle manière. Ce qui est indispensable pour trouver des parades efficaces. » espère Le Conte.

Abeilles Halictus sp. dans nid au sol.jpeg                                                                                                               Abeilles Halictus dans leur nid © Picasa album

Un mécanisme pour la lutte intégrée... à double tranchant !

« Le plus surprenant pour nous dans cette première étude, ajoute-t-il, c’est qu’en faisant une recherche dans la littérature, Cédric Alaux, le principal instigateur de ces essais, s’est rendu compte que l’effet de synergie que nous décrivons était en fait déjà connu de l’industrie phytosanitaire. Et il a été utilisé dans des vergers contre des insectes ravageurs en les exposant à la fois à des pesticides et à des micro-champignons pathogènes. »

C’est même l’une des voies de lutte intégrée que l’on pourrait demain vouloir développer afin de réduire les quantités de pesticides répandus... Sauf que la cible n’est pas toujours atteinte ! Et surtout que ce mécanisme de synergie affecte aussi des organismes alliés des cultures, les fameux « insectes auxiliaires » si précieux pour les plantes cultivées. Ce qui n’était prévu ! Et c’est bien tout le problème de ces innombrables cocktails chimiques, lesquels se forment sans contrôle et de façon aléatoire la plupart du temps. Une chose est sûre, avant d’utiliser ses puissants processus de synergie biochimique, les firmes agrochimiques mais aussi les agronomes et les politiques soucieux de vouloir réduire les quantités de pesticides diffusés dans l’environnement, devront y regarder de plus près !


Des procédures d’évaluation à revoir

L’une des conclusions que l’on pourra tirer de cette étude est bien qu’il y a urgence à modifier les tests d’évaluation des molécules phytosanitaires avant leur mise sur le marché. Non seulement en allongeant la durée des tests et en exposant d’autres classes d’abeilles que les seules adultes – des tests sur des larves et de jeunes abeilles ont montré leur vulnérabilité spécifique. Mais aussi en assurant une excellente traçabilité des traitements à l’échelle des parcelles dans le territoire agricole et en multipliant les suivis d’insectes témoins après les traitements, afin de nourrir d’autres études en laboratoire d’exposition combinée entre facteurs chimiques et pathogènes.

C’est donc bien une évaluation et une surveillance plus intégrées aux systèmes écologiques agricoles qu’il s’agit à présent de mettre en œuvre. En s’affranchissant des certitudes toxicologiques en partie dépassées... Et c'est à une révision des approches et des protocoles d’écotoxicologie qu’il convient de procéder. Du moins si l’on veut préserver non seulement les abeilles, mais toute la biodiversité des insectes dans nos pays industriels.



[1] Alaux C. et al. (2009) Interactions between Nosema microspores and a neonicotinoid weaken honeybees (Apis mellifera), Environmental Microbiology.
Cliquez sur l'icône pour télécharger cette étude.

[2] L’Institut national de la recherche agronomique semble (enfin) avoir pris la mesure de l’importance de constituer un pôle d’excellence sur les abeilles en France. Il se concentrera à Avignon, grâce aux interaction scientifiques de trois équipes (coordonnées par Bernard Vaissière, Yves Le Conte et Luc Belzunces) et la création d’une toute nouvelle Unité mixte technologique (UMT) sur les mortalités d’abeille, dans le même centre, entre l’INRA, l’ACTA (Axel Decourtye) et l’ADAPI (Julien Vallon, de l’association du développement apicole de Provence).

[3] Trois concentrations ont été testées : 0,7 ppb (microgramme/ kg), 7 et 70 ppb, alors que l’on retrouve facilement 2 à 4 ppb d’imidaclopride dans les nectars des plantes traitées.

[4] Mayack C. et Naug D. (2009), “Energetic stress in the honeybee Apis mellifera from Nosema ceranae infection”, J. Invertebr. Pathol.
Cliquez sur l'icône pour télécharger cette étude.

Partager cet article
Repost0
25 janvier 2010 1 25 /01 /janvier /2010 20:43

    Que 2010 soit aussi lumineuse pour vous tous qu’un long fil de miel d’acacia ! Et qu’elle apporte enfin à nos chères abeilles la force et la quiétude qui leur manquent tant, parfois. Bon, on peut former les mêmes vœux sincères pour leurs gardiens dont plus d’un a baissé les bras face aux spectacles désolant de leurs ruches affaiblies ou moribondes d’un hiver sur l’autre.

 

Une renaissance

    Et franchement, la sérénité en 2010 pour le monde apicole reste un combat ! Tenez, considérez le lancement du fameux Institut technique et scientifique de l’abeille et de la pollinisation. L’ITSAP, pour les intimes. Annoncé depuis près d’un an, mais toujours retardé. Vendredi dernier, il tenait son premier conseil d’administration (CA) et élisait un bureau provisoire, alors que le 12 mars prochain une assemblée extraordinaire modifiera certains points de ses statuts et élira son bureau définitif.

Abeille couverte de pollen.jpeg                                                                                                                                                             © Picasa Album

 

   Jusqu’à la dernière minute, ce lancement aura alimenté la longue chronique de la guerre apichrocoline. Et lorsque je parle de naissance, je devrais parler en réalité de  renaissance. Car, formellement, la bête n’était pas morte ! L’ancien Institut technique d’apiculture (ITAPI), créé en 1973, avait juste été plongé en 1993 dans un coma profond dont il n’est finalement jamais sorti. Et cela à la suite du torpillage du groupement interprofessionnel Intermiel qui pourvoyait à son financement, du fait de rivalités intersyndicales et d’un désintérêt certain des pouvoirs publics. Bref ! depuis plusieurs années de nombreuses voix réclamaient, dans le monde apicole, son rétablissement. Le député de la Haute-Savoie, Martial Saddier, en a même fait sa mesure phare dans le rapport sur l’apiculture remis au Premier ministre en octobre 2008. Ce que le ministère de l’Agriculture avait fini par accepter de relancer.

Un Institut  pour faire quoi ?

Chargé d'élaborer et d'analyser les programmes de recherche de la filière, cet Institut devra apporter une assistance technique à la profession. Il le fera en coordonnant des recherches appliquées, des essais et des tests de terrain, en liaison possible avec des organisations scientifiques comme l’INRA, les facultés ou le CNRS – par exemple sur les pesticides, sur de nouvelles armes contre les virus ou le varroa. On parviendra alors, peut-être, à s’accorder sur l’impact effectif, car attesté dans plusieurs ruchers répartis sur le territoire national selon un protocole unique et validé, de certains pesticides et de divers virus et parasites de l’hyménoptère. Soyons fou : rêvons ! Cet Institut est également très attendu pour améliorer la diversité et la qualité génétique des élevages, de même que la transparence et le dynamisme du commerce des miels et des produits de la ruche.

Si, « pour l’instant la hiérarchie des actions à mener n’a pas encore été débattue par le Conseil d’administration de l’ITSAP, notre priorité au CNDA [la colonne vertébrale effective de l’Institut] est d’améliorer nos données sur les pertes de colonies en France », me précisait lundi Sophie Cluzeau-Moulay de l’ancien Centre national du développement apicole. Un Centre qui a précisément modifié ses statuts pour constituer l’embryon de l’ITSAP. Au grand dam des syndicats apicoles qui ont dénoncé ce « coup de force » et auraient nettement préféré que l’Institut n’émane d’aucune organisation antérieure.


Un Institut indépendant ?

Au-delà des vieilles méfiances et des haines recuites au sein de cette profession parcourue de nombreuses sensibilités, trois points ont cristallisé les critiques syndicales : « la mainmise de l’agrochimie » dans la création de l’Institut, l’équilibre des pouvoirs entre le Conseil d’administration et le Conseil scientifique, et la place des syndicats apicoles ainsi que des organisations liées au monde agricole et aux industries phytosanitaires. Et jusqu’à la dernière minute, ces trois points ont fait l’objet d’âpres négociations, avec tout le cortège habituel de clashs, de dénonciations et autres communiqués de presse vengeurs. L’UNAF ayant même appelé à manifester vendredi devant le siège du CNDA, où se déroulaient les négociations sur l’ITSAP.

Dans le collimateur syndical, la volonté - supposée ou réelle - du ministère de l’Agriculture d’intégrer aux instances dirigeantes de l’Institut des représentants des firmes phytopharmaceutiques, notamment l'Union des Industries de la Protection des plantes (UIPP). À l’arrivée, aucun représentant de l’industrie ne siégera au Conseil d’administration ni ne pourra même adhérer à l’Institut. Quand à Coop de France, les coopératives agricoles françaises, dont l’adhésion avait également été mise en cause, elle pourrait, le 12 mars, n’être admise qu’avec une voix consultative.

De même, l’absence de chercheurs convaincus depuis toujours du rôle néfaste des pesticides a été dénoncée par la plupart des syndicats. Trois d’entre eux (Jacques Bonmatin, Luc Belzunces et Marc-Édouard Colin) seront donc ajoutés au Conseil scientifique de cette organisation technique[1]. Conseil dont le rôle demeurera bien « consultatif » au lieu de pouvoir « valider » (donc bloquer) les orientations définies par le Conseil d’administration, comme les formulations initiales le prévoyaient. Le CA demeure donc bel et bien le vrai centre de décisions où siégeront autour des huit Associations régionales du développement apicoles (CNDA), l’ensemble des organisations sanitaires travaillant sur l’abeille, quasiment tous les syndicats apicoles - à l'exception notable du SNA, lire notre encadré ci-dessous - et des représentants d’organisation de matériels apicoles.

Abeilles sur tournesol.jpg                                                                                                                        © Kramkom - Fotolia.com

Aura-t-il les moyens de ses ambitions ?

« Grâce à notre stratégie de lutte, nous avons préservé l’indépendance de cet Institut et nous en sommes satisfaits, m’assurait vendredi soir le président de l’UNAF Henri Clément. Le seul point noir qui demeure est les moyens financiers exsangues prévus par le ministère, à savoir 373 000 €  (dont quelque 145 000 € en frais de fonctionnement), ce qui est nettement insuffisant au regard des défis qui nous attendent. » En fait, pour des raisons de calendrier comptable calqué sur les fonds européens (règlement apicole européen), cette somme ne serait semble-t-il que provisoire, attribuée jusqu’au 31 août prochain. C’est à partir de cette date qu’un vrai budget annuel serait distribué[2]. Son montant ? « Personne n’en sait rien, admet Sophie Cluzeau-Moulay. Il fera évidemment l’objet d’une négociation serrée. On peut espérer qu’il s’élève au moins à 600 000 euros pour que nous soyons capables de réaliser nos objectifs pour la filière, mais il convient de définir précisément nos actions pour l’évaluer plus sérieusement. »


Malgré des rebondissements toujours possibles et même dans la douleur, une étape clé vient donc d’être franchie dans la (re)structuration de la profession apicole. D’ores et déjà, depuis le 1er janvier 2010 une déclaration annuelle des ruchers a été rendue obligatoire, afin de mieux suivre l’état du cheptel. Et la formation professionnelle a été renforcée avec la création de modules de 120 heures d’enseignement sur l’apiculture, accessibles aux étudiants des brevets de techniciens supérieurs (BTSA). 27 établissements d’enseignement agricole, répartis sur l’ensemble du territoire national, proposent d’ailleurs depuis la rentrée scolaire 2009 ces modules aux étudiants en formation initiale scolaire ou par apprentissage et en formation continue.

Le menu qui est sorti vendredi dernier des cuisines de cette longue négociation, parfois peu ragoûtante, est plutôt consistant. Il donne en tout cas à espérer pour le futur des abeilles et de ses gardiens.  Sans céder à trop d’angélisme ou à l’illusion que les structures peuvent, seules, résoudre des problèmes aussi complexes que la mortalité des abeilles, qui dépassent largement d’ailleurs les moyens de la profession apicole, on peut penser que sa création va dans le bon sens.

Aussi, s’il ne devait y avoir qu’un seul voeu à formuler pour accompagner la (re)naissance de l’Institut de l’abeille, ce serait que la profession ne cède pas une fois de plus à ses vieux démons : ceux de la division et des intérêts de boutiques. Car c’est seulement uni et combatif que ce cercle des abeilles pourra peser sur les puissants lobbies agricole et agrochimique. S’inspirer du travail collaboratif au sein des ruches : voilà la clé de l’avenir prospère des abeilles et de la biodiversité dans nos territoires !

Apiculteur en tenue de protection.jpg                                                      © Patrick Bonnor - Fotolia.com

Pourquoi le  Syndicat national d'apiculture (SNA) ne rejoindra pas l'ITSAP :
   " L'Institut pour nous reste à créer. Tout au moins pour ses statuts qui sont l'oeuvre d'une minorité qui entend gérer seule cet organisme où le monde agricole (FNSEA, APCA, JA.. ) arrive en force. Demain donc, impossible, selon la constitution de pouvoir nous exprimer sur les pesticides, insecticides et autres. La majorité n'est pas là. Ce qui est étonnant, c'est la position de certains, aujourd'hui favorables qui étaient opposés hier (UNAF, FNOSAD ...). Ce passage en force est une négation de la démocratie, le non respect du syndicalisme apicole et à terme, lentement et sûrement la mort des petits apiculteurs indésirables pour les ADA comme pour le syndicalisme agricole.
 Avec mes salutations."

Message que m'a envoyé Y. VEDRENNE, Secrétaire national du SNA, le 26 janvier 2010.
   Faute d’un processus jugé anti-démocratique et d’une représentation considérée comme étant suffisante, le SNA, premier syndicat de la profession, a donc décidé de ne pas siéger au CA ni d'ahérer à l'ITSAP. Je ne suis pas à même de juger la légitimité de leurs griefs. Je m'interroge seulement sur l'avenir de la filière. Cette politique de la chaise vide est-elle la meilleure, et pour qui ? Comment peser de l'extérieur sur des décisions clés pour le développement de la profession qui pourront être prises au sein de l'ITSAP ? On peut aussi se demander si le SNA campera longtemps sur cette position alors que tous ses concurrents et anciens alliés participent à l'Institut, au risque de s'isoler durablement.
V.T.



[1] Y siègeront également Bernard Vaissière (INRA, Avignon), Yves Le Conte (INRA, Avignon), Axel Decourtye (ACTA, Lyon), Olivier le Gall (INRA, Bordeaux), Gérard Arnold (CNRS, Gif/Yvette), Marie-Pierre Chauzat (AFSSA, Sophia Antipolis), Patrick Ravenel (Université de Grenoble), Éric Haubruge (Faculté universitaire de Gembloux, Belgique), Mariano Higes (Centro Apicola Regional, Marchamalo, Espagne) et Peter Neumann (Station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux, Suisse).

[2]En gros, le budget de l’ITSAP sera constitué pour moitié des aides européennes (le règlement apicole européen) et de FranceAgriMer (établissement national regroupant tous les anciens instituts techniques agricoles), pour 35 % du Cas Dar (le Compte d'affectation spécial pour le développement agricole et rural) sous forme d’une redistribution par le ministère de l’Agriculture des taxes sur le chiffre d’affaire des entreprises agricoles, pour 10 % des organisations adhérentes à l’ITSAP, et pour 5% des recettes propres à l’Institut.

Partager cet article
Repost0
28 octobre 2009 3 28 /10 /octobre /2009 01:45


   Un déclin, oui, mais lequel ? De nombreuses populations d’abeilles sauvages et d’autres insectes pollinisateurs disparaissent localement, cela ne fait aucun doute. Mais on connaît fort mal l’importance de ce dépérissement, ainsi que la répartition et l’évolution de l’abondance des insectes qui visitent les fleurs à l’échelle du territoire national. Et c’est bien l’un des handicaps majeurs de la recherche sur la conservation et des professionnels de l’apiculture qui en sont réduits le plus souvent à extrapoler des données – limitées, elles aussi – issues des colonies d’élevage de notre abeille mellifère. Très peu de recensements locaux existent sur les autres insectes pollinisateurs, aucun en tout cas à l’échelle hexagonale. D’où l’idée alléchante qu’ont eue plusieurs associations naturalistes et organismes de recherche de lancer une sorte d’observatoire national des insectes floricoles qui fasse appel aux simples citoyens. En fait, un Observatoire des bourdons existe déjà depuis un an et un Suivi photographique des insectes pollinisateurs (SPIPOLL) va démarrer en mars prochain. Ces deux programmes naturalistes d’un genre nouveau sont, en partie, organisés par le Muséum national d’Histoire naturelle.

 

                                                                                         Bombus sylvarum © L-R. Hurstel-SAJF

Des oiseaux aux hippocampes en passant par les frênes : les nouveaux observatoires-citoyens de la science naturaliste...

   Comme vient de le montrer, à Montpellier, le remarquable colloque sur les Sciences Citoyennes, organisé par le réseau Téla Botanica les 22 et 23 octobre dernier, ces observatoires participatifs coordonnés par des associations et des institutions scientifiques, sont devenus une aide précieuse à la connaissance de notre biodiversité, de sa répartition et son évolution. Basés sur le bénévolat et l’observation directe de différents organismes dans son jardin ou autour de chez soi, ils se multiplient en France, alors qu’ils existent depuis plusieurs décennies dans le monde anglo-saxon. Ils permettent non seulement aux citadins de maintenir un lien avec la « vie sauvage », mais ils offrent aussi à chacun d’être l’acteur d’une recherche expérimentale et de terrain, d’expérimenter la complexité des processus naturels et leurs échelles d’évolution dans le temps et l’espace.

 © Philippe Pulce

   Les suivis les plus populaires ? Incontestablement ceux qui portent sur les oiseaux. C’est le cas de STOC, le Suivi Temporel des Oiseaux Communs, un programme pionnier en France qui fête cette année ses vingt ans d’existence. Celui-ci a pu montrer (voir notre schéma), pour 95 espèces d’oiseaux, une légère érosion (-10%) au niveau national, plus marquée dans les zones urbaines et agricoles. Différemment, l’opération Des nichoirs dans la plaine, qui regroupe depuis trois ans de très nombreux enfants, élus, retraités et chercheurs (CNRS de Chizé) dans la plaine céréalière au sud de Niort, a autant l’objectif d’améliorer les connaissances sur l’abondance des oiseaux qui nichent dans cette région agricole que de sensibiliser les enfants à la vie sauvage.

On pouvait s'y attendre, mais les très nombreuses données récoltées par les ornithologues amateurs au cours de ces vingt ans permettent de le confirmer : les espèces d'oiseaux les plus spécialisées à un type de milieu naturel sont les premières victimes des changements écologiques globaux... Comme pour les insectes pollinisateurs ! © MNHN

 

    Notons également l’existence de deux autres excellents programmes participatifs, dédiés cette fois aux arbres : Phénoclim, qui assure le suivi phénologique de la végétation en zone de montagne – essentiellement dans les Alpes - et son équivalent français pour les plaines (l’Observatoire des Saisons, coordonné par le CNRS de Montpellier). En observant  autour de chez soi les périodes de formation ou d’ouverture des bourgeons, des fleurs ou des fruits d’arbres, chacun peut mesurer au fil des ans l’impact des changements climatiques. Ces suivis s’exercent à la fois sur des organismes faciles à reconnaître et bons indicateurs de l’état écologique des milieux où ils nichent. C’est ce à quoi répondent également les suivis d’organismes marins en Méditerranée coordonnés par les associations Cybelle Planète et Peau Bleue sur les hippocampes par photographies sous-marines.


Quel est l'intérêt d'un observatoire des insectes floricoles de France ? Un début de polémique...

                                                                                                                Guêpe Symphyte © R. Hurstel/SAJF

   Directement impliqué dans huit programmes participatifs (sur les oiseaux, les papillons, les escargots, les chauves-souris...), lorsqu’il n’en est pas le principal coordinateur, le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) continue à développer ces opérations qu’il a baptisées  “Vigie Nature”. Et c’est encore l’Institut parisien qui lance ce nouveau suivi des insectes "visitant les fleurs" avec l’Office pour la protection des insectes et de l’environnement (OPIE), les fondations Nicolas Hulot et Nature & Découverte.


   On peut espérer que l'engouement du grand public pour Maya l'abeille favorise la collecte de nombreuses informations dans la durée sur ces visiteurs des calices, qu'ils soient des pollinisateurs ou pas. Il reste que, comme me l'ont fait remarquer plusieurs apidologues professionnels, ce suivi photographique par les amateurs de l'ensemble des insectes présents sur les fleurs ne permettra certainement pas de révéler la disparition de telle ou telle espèce d'abeilles ou de bourdons. Non seulement parce que l'identification par photos ainsi que par les amateurs promet d'être bien alléatoire - des tentatives britanniques analogues n'ont d'ailleurs pas apporté grand chose d'exploitable à la science apidologique. Mais aussi parce qu'une espèce d'apoïde (abeilles, bourdons et quelques guêpes) rare ne sera précisément pas repéré sur les fleurs. Ainsi, sa disparition du paysage passera inaperçue...


   Alors, ce programme des insectes floricoles - abusivement peut-être baptisé "des pollinisateurs" - n'est-il qu'une façon habile pour le Muséum national et d'autres organisations et fondations de surfer sur la vague médiatique du déclin des abeilles ? De quoi récupérer, au passage, d'importants financements ? C'est le sentiment de nombreux apidologues qui rament aujourd'hui pour trouver les fonds à l'établissement de suivis et atlas dans plusieurs régions des espèces d'abeilles menacées en France (lire les commentaires à cet article). Ces critiques ne sont pas sans fondements. Néanmoins, un tel programme participatif peut contribuer à une éducation du public au monde des insectes, grâce à une observation directe et sur la durée. En outre, ces photographies de terrain au cours du temps peuvent apporter des renseignements utiles sur les interactions entre les plantes à fleurs et les insectes, éventuellement sur les processus de pollinisation et la compétition entre pollinisateurs , sur l'impact des zones de grandes cultures pour les populations d'insectes, sur la prédation au sein du règne des arthropodes, et peut-être sur l'évolution croisée des insectes floricoles et du climat (en croisant les données de l'Observatoire des Saisons, si cela est faisable).

   Nous avons voulu en savoir plus sur ce projet SPIPOLL en interrogeant l’un de ses coordinateurs Romain Julliard du MNHN. Spécialiste des oiseaux auxquels il a consacré sa thèse de doctorat (sur les mésanges migratrices), il est maître de conférence au Muséum depuis 2005, dans l’équipe “Conservation des espèces, restauration et suivi des populations”.



Notre entretien enregistré : cliquez sur les mini-lecteurs

(désolé pour le bruit de fond, il est parfois un peu pénible... Bon, pour Noël j'achète un micro cravate : des idées de cadeaux ?!)

1 - Sur la présentation générale de trois récents programmes d’observation des papillons (2006), des escargots (2009) et des bourdons (2008) de son jardin :

2 - Sur le suivi de douze morphotypes de bourdons  dans 22 départements du quart nord-ouest de la France :

 

Sur le  projet d’observatoire des pollinisateurs par photographie (SPIPOLL) lancé début mars 2010 :

3 - Quelles espèces seront suivies par cet observatoire ?

4 - Sur le procédé de suivi des insectes par photographies mises en ligne.

5 - Quel nombre et types de  participants sont attendus ?

6 - Quels sont les objectifs scientifiques de cet observatoire des insectes pollinisateurs ?

7 - Quel est le système de validation des données mises en ligne ?

8 - Peut-on espérer relier un jour ces différents programmes de suivi de la biodiversité et croiser leurs résultats pour mieux évaluer l’impact des changements écologiques majeurs ?

9 - Y aura-t-il un soutien direct des apiculteurs à cet observatoire ?

                                                        Mouches Chiastochètes pollinisant un Trolle d'Europe © S. Aubert /SAJF
Partager cet article
Repost0
30 septembre 2009 3 30 /09 /septembre /2009 17:03


Et si Apis cerana, l’abeille mellifère d’élevage de toute l’Asie constituait l’avenir de l’apiculture occidentale... ? Absurde ? Cette espèce, qui compte 6 000 à 15 000 abeilles en moyenne au sein des nids, se répartit du sud-est de la Russie et en Afghanistan à la Chine, en passant par l’Inde et la péninsule Indochinoise. Or, ayant coévolué depuis des millénaires avec toutes sortes de parasites (dont le funeste Varroa destructor ou Nosema ceranae) et de virus, elle pourrait avantageusement remplacer sa cousine européenne Apis mellifera qui souffre précisément des attaques répétées de ces mêmes pathogènes contre lesquels elle n’a pas eu le temps de forger des défenses efficaces.

                                                                                                                                                                    © wikipedia

Tolérante contre le mini-vampire Varroa destructor

Prenez un seul exemple : la façon dont l’abeille asiatique parvient à « contrôler » les infestations de son nid par l’acarien varroa. Ses pratiques d’épouillage, tant individuel que social, sont bien plus efficaces  que celles de sa cousine occidentale. Cette performance demeure toutefois diversement appréciée : une étude comparative entre les deux espèces menée en Thaïlande assure que 99,6 % des acariens déposés sur l’abeille orientale sont éliminés par cet épouillage, contre seulement 0,3 % chez A. mellifera [1], alors qu’une équipe suédoise a montré, plus récemment, que ces performances d’épouillage était presque comparables chez les deux « parentes», provoquant la chute de seulement 27 % des acariens chez l’espèce asiatique contre 20 % chez l’européenne [2]. En fait, il se pourrait que ce soit l’autre pratique de nettoyage observée chez les abeilles sociales qui fasse la différence entre les deux espèces : l’élimination des cellules du couvain et des larves infestées par le varroa. Grâce à leur perception olfactive, les ouvrières d'Apis cerana nettoieraient plus de 90 % du couvain d'ouvrières infesté par Varroa, contre 20 % chez A. mellifera. Et en réalité, précise l’apidologue Rémy Vandame travaillant au Mexique, qui cite ce résultat dans sa thèse de doctorat [3] , « l'hôte d'origine est tolérant au varroa, mais non résistant, ce qui signifie que l'on trouve toujours quelques dizaines ou centaines de varroas dans les colonies d'Apis cerana. La population d'acariens demeure toutefois à un niveau très modeste, car plusieurs mécanismes interagissent pour amener à la tolérance, fruit probable d'une longue coévolution. »

 

Plus robuste que sa cousine européenne...

« Son potentiel comme pollinisateur alternatif à Apis mellifera est énorme pour le monde entier, assure ainsi l’apidologue indien Laig Ram Verma [4]  qui fait valoir que l’abeille asiatique et ses trois écotypes himalayens et sub-tropicaux sont capables de « sortir butiner plus tôt que l’abeille occidentale, à des températures plus basses. » Très robuste, elle pourrait d’ailleurs travailler plus longtemps, et s’adapter à un grande diversité d’habitats et de nourriture tout en étant assez douce pour l’éleveur. « Mieux adaptée pour pratiquer de la pollinisation de cultures sous serre, Apis cerana a aussi une excellente faculté à récupérer le nectar et le pollen de plantes à fleur isolées dans la nature. » ajoute Laig Ram Verma. Elle est aussi moins vulnérable aux attaques de guêpes... et du frelon asiatique, qu’elle supporte là encore depuis des millénaires. Alors que ce prédateur de l’abeille, récemment introduit en France, sème la panique dans plusieurs ruchers de l’Ouest du pays....

 

... mais moins productive !

Bref ! Apis cerana semble l’abeille d’élevage rêvée. On se demande d’ailleurs pourquoi tant d’éleveurs d’Asie et de Russie orientale ont introduit et adopté notre Apis mellifera il y a un siècle. C’est qu’en vérité, cette championne de la pollinisation orientale se montre quelque peu rétive aux exigences de l’éleveur. En particulier, elle a une fâcheuse tendance à essaimer (s’enfuir de la ruche en groupe pour refaire un nid ailleurs) ou à déserter une ruche trop infestée, sans crier gare ! Et puis, cette magnifique abeille asiatique aurait une vilaine tendance à piller les ruches des voisines et à produire un trop grand nombre d’ouvrières un peu feignantes... Ce comportement et sa démographie (deux à cinq fois inférieure à celle d’A. mellifera) expliquent pourquoi l’espèce produit bien moins de miel que notre abeille occidentale.

Ainsi, Apis cerana serait la meilleure solution pour polliniser nos champs et nos campagnes, plus que pour nous fournir du miel, assure cet apidologue indien. Cette réponse inattendue au déclin qui menace notre abeille ne manque pas de sel. Car en diffusant massivement en Europe ou en Amérique du Nord cette abeille asiatique, nous referions en sens inverse le même parcours que nos prédécesseurs du début du XXe siècle, lorsqu’ils introduisirent A. mellifera. Le même parcours et... les mêmes erreurs ! Cette introduction massive s’est en effet soldée par une brutale compétition avec A. cerana au risque de la faire disparaître de plusieurs régions dans cette immense partie du monde, comme en Chine. Et rien ne nous dit que dans nos contrées occidentales l’abeille asiatique montre les mêmes aptitudes à polliniser ni la même faculté à cohabiter avec les abeilles sauvages autochtones ou à tolérer ses parasites. Alors que les importations répétées en Europe et aux États-Unis d’A. mellifera, de ses reines ou de sa gelée royale, depuis l’Asie ou l’Australie, ont entraîné bien des méfaits sur les colonies indigènes, vouloir élever une nouvelle espèce d’Apis pour la substituer à notre espèce occidentale afin de remplir tout ou partie de ses tâches, me semble dès lors bien hasardeux. Cela s’appelle "jouer les apprentis sorciers"...

Au Laos, Jérôme Vandame, formateur- agronome, aide des étudiants de la Faculté d'agriculture de Nabong a développé l'apiculture avec Apis cerana.

   C’est également le sentiment de Jérôme Vandame que j’ai interrogé durant le congrès d’Apimondia à Montpellier. Ce formateur en agronomie de 43 ans, devenu spécialiste de l’abeille, est aujourd’hui employé par la FNOSAD (Fédération nationale des organisations sanitaires apicoles départementales), après avoir travaillé au Laos de 2001 à 2005. Dans ce pays d’Asie du Sud-Est, il a accompagné des enseignants de la Faculté d'Agriculture de Nabong sur la construction de cours,  le développement et la réalisation d'expérimentations dans le domaine de la riziculture. Dans le même temps, il a participé à l'établissement d'un rucher pédagogique afin de contribuer au développement de l'apiculture avec  Apis cerana. En particulier auprès des petits paysans des régions forestières et montagneuses. Depuis son retour en France – il élève quelques ruches dans le Puy-de-Dôme -, il y retourne environ une fois  par mois pour suivre l’avancée des programmes apicoles initiés et travailler sur la pollinisation. Entre lui et son frère Rémy, basé au sud du Mexique, l’abeille est vraiment devenue une vocation familiale forte !

Pour lire son entretien, cliquez sur ce lien.

Le professeur Bounpheng Sengngam guide les étudiants de la Faculté d'agriculture de Nabong dans leur premiers pas d'apiculteurs avec A. cerana.


[1] Peng YSC et al. (1987) “The resistance mechanism in the asian honeybee Apis cerana Fabr. to an ectoparasitic mite Varroa jacobsoni Oud.” J Invert Pathol, 49 : 54-60.

[2] Fries I et al. (1996) “Grooming behavior and damaged mites (Varroa jacobsoni) in Apis cerana cerana and Apis mellifera ligustica.” Apidologie, 2 7 : 3-11.

[3] Rémy Vandame, thèse de Doctorat soutenue le 18 décembre 1996, “Importance de l'hybridation de l'hôte dans la tolérance à un parasite. Cas de l'acarien parasite Varroa jacobsoni chez les races d'abeilles Apis mellifera européenne et africanisée, en climat tropical humide du Mexique.” Université Claude Bernard - Lyon 1, INRA d’Avignon, Institut phytosanitaire du Campus de Cordoba, Mexique.

[4] Congrès Apimondia 2009, Montpellier.

Partager cet article
Repost0
30 septembre 2009 3 30 /09 /septembre /2009 17:01


© FNOSAD

Notre entretien avec le formateur-agronome en apiculture :
Jérôme Vandame.

 

                                                                         

   Apis cerana peut-elle devenir l’avenir de l’apiculture mondiale, comme A. mellifera l’est devenue dans une grande partie du monde ?

 

   Certainement pas. Apis cerana est une espèce intéressante, mais je pense qu’elle doit faire l’objet d’une apiculture dans les seules aires géographiques où elle est naturellement présente. Dans notre pays, la France, il est préférable de travailler avec Apis mellifera et de trouver des solutions aux problèmes qu’elle rencontre. Je ne crois pas qu’il faille introduire une nouvelle espèce : on ignore comment il va s’acclimater ici, se comporter avec la faune et les autres espèces d’abeilles autochtones. Ne risque-t-elle pas de devenir une espèce envahissante qui entre en compétition avec plusieurs abeilles européennes et accélère leur déclin ?

Inititiation à l'apiculture avec A. cerana des étudiants de la Faculté d'agriculture de Nabong © J. Vandame

 

  Mais les conditions bioclimatiques en Europe ou aux États-Unis sont assez similaires avec ce qu’elle connaît dans son immense aire de réparation asiatique...

   On est tout de même dans des régions du monde où le climat et la végétation ne sont pas comparables. Par ailleurs, dans l'histoire apicole récente, plusieurs tentatives d'introduction de sous-espèces se sont avérées être des erreurs. Je pense qu'il est dangereux de tenter des opérations du même ordre. Comme je le disais aux éleveurs du Laos, je crois vraiment que la bonne solution est de travailler avec les espèces locales qui ont évolué durant des milliers d’années dans un milieu auquel elles sont adaptées. Ainsi au Laos est-il préférable de travailler avec Apis cerana.

                                                                                                                                                                    © J. Vandame

   Mais, même au Laos, l’abeille d’élevage locale n’est pas forcément formidable, notamment très productrice en miel...

   Oui, c’est vrai qu’une colonie d’Apis cerana produit moins de miel qu'une colonie d’Apis mellifera. Et d’ailleurs certains exploitants ont tenté d'introduire l’abeille occidentale pour tenter de développer la production de miel, de l’exporter et de rapporter des devises au Laos. Mais jusqu'à présent, cela n'a pas fonctionné.

À mon avis, aujourd’hui, dans le contexte du Laos, c’est un mauvais pari car la plupart des agriculteurs n'ont pas les moyens d’acheter une ruche. De plus, dans le cas où l’on parviendrait à acclimater Apis mellifera, les colonies d’Apis cerana risqueraient d’en faire les frais, du fait entre autre des maladies que pourrait transmettre l’abeille occidentale et de la compétition par rapport aux ressources en nectar et en pollen. Dans ce cas, les petits paysans qui s’adonnent à cette « apiculture vivrière » avec A. cerana pourraient ne plus pouvoir la poursuivre... Ce problème de transmission de maladies à A. cerana ainsi qu’à A. dorsata a été bien documenté en Chine, au Népal, en Inde et même au Japon.

 

   Connaît-on les mêmes problèmes au Laos que dans la péninsule indonésienne, la Malaisie, les Philippines ou la Thaïlande, de « chasse au miel » destructive pour A. dorsata, voire A. florea ?

   Oui, absolument. C’est peu le cas pour la petite A. florea, mais on trouve effectivement beaucoup de gens qui prennent de grands risques pour aller collecter le miel des nids d’A. dorsata accrochés sur des de falaises ou sur des arbres. Ils détruisent souvent des rayons pleins de miel et chassent les occupants du nid qui peuvent ne plus y revenir. Mais au Laos comme au Vietnam ou en Inde, on assiste à quelques tentatives pour limiter les effets destructeurs de cette chasse, en intervenant à certaines périodes et en ne détruisant qu’une partie du nid.

 

L'article sur l'intérêt d'A. cerana pour l'apiculture mondiale : cliquez ici.

 

 

Partager cet article
Repost0
21 septembre 2009 1 21 /09 /septembre /2009 03:09

  Un crû honorable

   Du monde, beaucoup de monde – les organisateurs laissaient entendre samedi qu’environ 7 000 congressistes étaient présents à Montpellier pour cette 41e édition du congrès mondial de l'abeille. Du monde et du beau monde, venu de nombreux continents. Coloré et joyeux, Apimondia fut un plaisant mélange de kermesse apicole géante et de colloque scientifique plus classique. Les rencontres, entre éleveurs de régions et de pays parfois fort éloignés, mais aussi entre professionnels et chercheurs furent propices. Pourtant, elles n’ont pas toujours eu lieu car dans cette ruche de béton pourpre du Corum de Montpellier chacun avait tendance à se presser et se croiser, courant d’une session à l’autre ou après un intervenant.

    Mon regret : l’absence de plusieurs conférenciers annoncés venant de Chine ou d’Amérique latine. Ils n’auraient finalement pas trouvé le financement de ce voyage transcontinental ou auraient reculé devant une méchante rumeur d’épidémie galopante en France du virus H1N1 ! Aussi, personnellement, je reste sur ma faim après cinq jours de ce congrès mondial de l’abeille. C’est que n’ayant pu me rendre dans ces lointains pays pour étayer mon enquête sur le déclin des abeilles, j’espérais bien me rattraper à l’occasion d’Apimondia...

    Il n’empêche, je crois que les thèmes mis en débats, de nombreuses présentations et la foule réunie au sein du colloque comme autour des stands extérieurs sur l’Esplanade du cœur de Montpellier, constituent une incontestable réussite. Désormais, plus personne en France ne peut ignorer que l’abeille est en difficulté dans une grande partie du monde et que cet insecte ne fait pas que produire du miel, mais assure aussi un service gracieux de pollinisation des plantes à fleurs indispensable pour les cultures et la biodiversité. Et ça, c’est déjà un progrès !

Henri Clément, apiculteur en Lozère, préside le principal syndicat apicole, l'UNAF, qui a organisé APIMONDIA à Montpellier (© UNAF/Apimondia)

 

LA SÉRIE...

2- Un dépérissement qui se confirme et s'internationalise.

3- Même tendance pour les abeilles sauvages.

4 - L'enterrement du tueur unique.

5- Revoir les pratiques apicoles trop intensives.

6 - Assurer une diversité mondiales des abeilles mellifères... et des apicultures.  

Partager cet article
Repost0

Liens