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28 octobre 2009 3 28 /10 /octobre /2009 01:45


   Un déclin, oui, mais lequel ? De nombreuses populations d’abeilles sauvages et d’autres insectes pollinisateurs disparaissent localement, cela ne fait aucun doute. Mais on connaît fort mal l’importance de ce dépérissement, ainsi que la répartition et l’évolution de l’abondance des insectes qui visitent les fleurs à l’échelle du territoire national. Et c’est bien l’un des handicaps majeurs de la recherche sur la conservation et des professionnels de l’apiculture qui en sont réduits le plus souvent à extrapoler des données – limitées, elles aussi – issues des colonies d’élevage de notre abeille mellifère. Très peu de recensements locaux existent sur les autres insectes pollinisateurs, aucun en tout cas à l’échelle hexagonale. D’où l’idée alléchante qu’ont eue plusieurs associations naturalistes et organismes de recherche de lancer une sorte d’observatoire national des insectes floricoles qui fasse appel aux simples citoyens. En fait, un Observatoire des bourdons existe déjà depuis un an et un Suivi photographique des insectes pollinisateurs (SPIPOLL) va démarrer en mars prochain. Ces deux programmes naturalistes d’un genre nouveau sont, en partie, organisés par le Muséum national d’Histoire naturelle.

 

                                                                                         Bombus sylvarum © L-R. Hurstel-SAJF

Des oiseaux aux hippocampes en passant par les frênes : les nouveaux observatoires-citoyens de la science naturaliste...

   Comme vient de le montrer, à Montpellier, le remarquable colloque sur les Sciences Citoyennes, organisé par le réseau Téla Botanica les 22 et 23 octobre dernier, ces observatoires participatifs coordonnés par des associations et des institutions scientifiques, sont devenus une aide précieuse à la connaissance de notre biodiversité, de sa répartition et son évolution. Basés sur le bénévolat et l’observation directe de différents organismes dans son jardin ou autour de chez soi, ils se multiplient en France, alors qu’ils existent depuis plusieurs décennies dans le monde anglo-saxon. Ils permettent non seulement aux citadins de maintenir un lien avec la « vie sauvage », mais ils offrent aussi à chacun d’être l’acteur d’une recherche expérimentale et de terrain, d’expérimenter la complexité des processus naturels et leurs échelles d’évolution dans le temps et l’espace.

 © Philippe Pulce

   Les suivis les plus populaires ? Incontestablement ceux qui portent sur les oiseaux. C’est le cas de STOC, le Suivi Temporel des Oiseaux Communs, un programme pionnier en France qui fête cette année ses vingt ans d’existence. Celui-ci a pu montrer (voir notre schéma), pour 95 espèces d’oiseaux, une légère érosion (-10%) au niveau national, plus marquée dans les zones urbaines et agricoles. Différemment, l’opération Des nichoirs dans la plaine, qui regroupe depuis trois ans de très nombreux enfants, élus, retraités et chercheurs (CNRS de Chizé) dans la plaine céréalière au sud de Niort, a autant l’objectif d’améliorer les connaissances sur l’abondance des oiseaux qui nichent dans cette région agricole que de sensibiliser les enfants à la vie sauvage.

On pouvait s'y attendre, mais les très nombreuses données récoltées par les ornithologues amateurs au cours de ces vingt ans permettent de le confirmer : les espèces d'oiseaux les plus spécialisées à un type de milieu naturel sont les premières victimes des changements écologiques globaux... Comme pour les insectes pollinisateurs ! © MNHN

 

    Notons également l’existence de deux autres excellents programmes participatifs, dédiés cette fois aux arbres : Phénoclim, qui assure le suivi phénologique de la végétation en zone de montagne – essentiellement dans les Alpes - et son équivalent français pour les plaines (l’Observatoire des Saisons, coordonné par le CNRS de Montpellier). En observant  autour de chez soi les périodes de formation ou d’ouverture des bourgeons, des fleurs ou des fruits d’arbres, chacun peut mesurer au fil des ans l’impact des changements climatiques. Ces suivis s’exercent à la fois sur des organismes faciles à reconnaître et bons indicateurs de l’état écologique des milieux où ils nichent. C’est ce à quoi répondent également les suivis d’organismes marins en Méditerranée coordonnés par les associations Cybelle Planète et Peau Bleue sur les hippocampes par photographies sous-marines.


Quel est l'intérêt d'un observatoire des insectes floricoles de France ? Un début de polémique...

                                                                                                                Guêpe Symphyte © R. Hurstel/SAJF

   Directement impliqué dans huit programmes participatifs (sur les oiseaux, les papillons, les escargots, les chauves-souris...), lorsqu’il n’en est pas le principal coordinateur, le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) continue à développer ces opérations qu’il a baptisées  “Vigie Nature”. Et c’est encore l’Institut parisien qui lance ce nouveau suivi des insectes "visitant les fleurs" avec l’Office pour la protection des insectes et de l’environnement (OPIE), les fondations Nicolas Hulot et Nature & Découverte.


   On peut espérer que l'engouement du grand public pour Maya l'abeille favorise la collecte de nombreuses informations dans la durée sur ces visiteurs des calices, qu'ils soient des pollinisateurs ou pas. Il reste que, comme me l'ont fait remarquer plusieurs apidologues professionnels, ce suivi photographique par les amateurs de l'ensemble des insectes présents sur les fleurs ne permettra certainement pas de révéler la disparition de telle ou telle espèce d'abeilles ou de bourdons. Non seulement parce que l'identification par photos ainsi que par les amateurs promet d'être bien alléatoire - des tentatives britanniques analogues n'ont d'ailleurs pas apporté grand chose d'exploitable à la science apidologique. Mais aussi parce qu'une espèce d'apoïde (abeilles, bourdons et quelques guêpes) rare ne sera précisément pas repéré sur les fleurs. Ainsi, sa disparition du paysage passera inaperçue...


   Alors, ce programme des insectes floricoles - abusivement peut-être baptisé "des pollinisateurs" - n'est-il qu'une façon habile pour le Muséum national et d'autres organisations et fondations de surfer sur la vague médiatique du déclin des abeilles ? De quoi récupérer, au passage, d'importants financements ? C'est le sentiment de nombreux apidologues qui rament aujourd'hui pour trouver les fonds à l'établissement de suivis et atlas dans plusieurs régions des espèces d'abeilles menacées en France (lire les commentaires à cet article). Ces critiques ne sont pas sans fondements. Néanmoins, un tel programme participatif peut contribuer à une éducation du public au monde des insectes, grâce à une observation directe et sur la durée. En outre, ces photographies de terrain au cours du temps peuvent apporter des renseignements utiles sur les interactions entre les plantes à fleurs et les insectes, éventuellement sur les processus de pollinisation et la compétition entre pollinisateurs , sur l'impact des zones de grandes cultures pour les populations d'insectes, sur la prédation au sein du règne des arthropodes, et peut-être sur l'évolution croisée des insectes floricoles et du climat (en croisant les données de l'Observatoire des Saisons, si cela est faisable).

   Nous avons voulu en savoir plus sur ce projet SPIPOLL en interrogeant l’un de ses coordinateurs Romain Julliard du MNHN. Spécialiste des oiseaux auxquels il a consacré sa thèse de doctorat (sur les mésanges migratrices), il est maître de conférence au Muséum depuis 2005, dans l’équipe “Conservation des espèces, restauration et suivi des populations”.



Notre entretien enregistré : cliquez sur les mini-lecteurs

(désolé pour le bruit de fond, il est parfois un peu pénible... Bon, pour Noël j'achète un micro cravate : des idées de cadeaux ?!)

1 - Sur la présentation générale de trois récents programmes d’observation des papillons (2006), des escargots (2009) et des bourdons (2008) de son jardin :

2 - Sur le suivi de douze morphotypes de bourdons  dans 22 départements du quart nord-ouest de la France :

 

Sur le  projet d’observatoire des pollinisateurs par photographie (SPIPOLL) lancé début mars 2010 :

3 - Quelles espèces seront suivies par cet observatoire ?

4 - Sur le procédé de suivi des insectes par photographies mises en ligne.

5 - Quel nombre et types de  participants sont attendus ?

6 - Quels sont les objectifs scientifiques de cet observatoire des insectes pollinisateurs ?

7 - Quel est le système de validation des données mises en ligne ?

8 - Peut-on espérer relier un jour ces différents programmes de suivi de la biodiversité et croiser leurs résultats pour mieux évaluer l’impact des changements écologiques majeurs ?

9 - Y aura-t-il un soutien direct des apiculteurs à cet observatoire ?

                                                        Mouches Chiastochètes pollinisant un Trolle d'Europe © S. Aubert /SAJF
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commentaires

L
<br /> Merci pour cet article ;-)<br /> <br /> <br />
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D
<br /> Blogs are so informative where we get lots of information on any topic. Nice job keep it up!!<br /> <br /> <br />
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V
<br /> Many thanks !<br /> <br /> <br />
R
<br /> Bonne continuation<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Je découvre un blog riche pour nous apiculteur amateur au naturel.<br /> Je me permet de faire un communiqué de l'adresse de ce blog et de la sortie du livre sur mon site<br /> http://www.laruchecarronde.net.<br /> Merci à l'auteur<br /> Chris<br /> <br /> <br />
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V
<br /> Merci bien, Chris, pour vos encouragements.<br /> <br /> <br />
G
<br /> ET voilà le bel écueil de ce genre d'enquête dès la deuxième photo de ce blog qui nous présente un symphyte..... pour un pompile...<br /> <br /> ...Ensuite question 2 à Romain Julliard : le morphotype des bourdons. Il vient nous dire que le suivi a été mis en place dans le Nord de la France parce que "plus facile"... Quand un<br /> "expert-scientifique ornithologue" parle des bourdons ça donne cela... Il aurait pu dire tout le contraire :beaucoup plus vrai. Les bourdons reliques glaciaires affectionnent davantage les climats<br /> froids, frais, montagnards que les plaines du Sud ou du Sud-Ouest très pauvres en diversité de bourdons .Seulement environ 10 espèces communes dans les plaines du Sud-Ouest (B pascuorum, B<br /> muscorum, B terrestris, B lapidarius : les 4 plus communes, viennent ensuite B pratorum, B hortorum, B magnus ce dernier inféodé aux landes à éricacées et donc plus localisé. Puis plus rares B<br /> ruderarius, B humilis, B lucorum, B sylvarum. on y ajoutera 3 espèces de bourdons parasites dont le plus commun et B campestris...). Une région comme la Bretagne va accueillir en plaine des espèces<br /> strictement montagnarde dans le Sud-Ouest (B jonellus, B soroeensis,...).<br /> <br /> Bref j'en écoute pas plus.... j'imagine que cette interview est fourré de contre sens et d'approximation de connaissances... ce peut-être acceptable pour une communication orale grand public, cela<br /> devient moins acceptable pour une ce genre d'enquête grand public...<br /> <br /> C'est bien tout le problème... Le crédit accordé a ses deux enquêtes par la micro-communautés (et donc peu écoutée) d'apidologistes en France (et un peu au delà) est très faible, approximations sur<br /> la connaissance des espèces, vision naturaliste où tout le vivant photographié est identifiable. Quid de la détermination (rigueur, exactitude), validation et de la détermination ? autant de<br /> questions qui nous laissent sceptiques.<br /> <br /> Adepte depuis sa naissance du STOC EPS (j'ai mené de front jusqu'à 4 stations de suivi), j'étais très dubitatif sur le suivi lépidoptères (pour son aspect suivi très urbain ou peri-urbain d'espèces<br /> ubiquistes (plastiques)). J'ai choppé des boutons sur l'enquête bourdons alors que nos amis anglais se sont cassés les dents sur les enquêtes "pattern" et les ont même stoppé. Je rigole/souris du<br /> speople qui ressemblera plus à un petit bestiaire des FLORICOLES (et non pas des pollinisateurs, termes qu'ils ne faut pas confondre) de nos jardins, paradis très artificiels... regorgeant<br /> d'espèces exotiques, d'un peu de nectar pour les espèces les moins exigeantes mais bien souvent de part leur mode de "gestion" des déserts pour les espèces les plus spécialisées (oligolègues). Ce<br /> sera peut-être cela l'avantage du speople, montrer que dans les jardins ont photographie en grand nombre des espèces banales.<br /> <br /> David GENOUD<br /> <br /> PS : J'essaye de mettre en place un (VRAI) atlas des abeilles sauvages d'Aquitaine, basé sur un recueil rigoureux (captures et très exceptionnellement photographies pour les rares espèces<br /> identifiables sur photos...) des données, la détermination, la validation, la saisie géoréférencées et la mise en ligne de carte d'inventaire ICI : http://www.faune-aquitaine.org (une carte enquête<br /> Colletes hederae visible, volet atlas "grand public" (restitution maille 10 x 10) visible d'ici un mois ou deux.<br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Cher David Genoud, je m'empresse de corriger cette erreur de légende de photo grâce à votre sagacité pleine d'amabilité...<br /> Sinon, vous avez raison de pointer les limites de ces programmes de sciences participatives, ce que leurs organisateurs ne dénient pas - si vous aviez d'ailleurs prie la peine d'écouter<br /> l'interview de Romain Julliard jusqu'au bout, il en convient en réponse à ma question sur la validation des données mises en ligne. Et même en tant que modeste journaliste ce point me préoccupe<br /> également.<br /> Il m'apparaît toutefois que ces données photographiques sur la faune floricoles - et non pollinisatrices exclusives, comme je l'ai moi-même indiqué... - peut avoir un double intérêt : du point de<br /> vue de la connaissance de l'abondance d'insectes sur un certain nombre de plantes et sur leur évolution d'une part ; sur la mobilisation active des citoyens à l'observation et à la sauvegarde des<br /> insectes et de la biodiversité ordinaire.<br /> Je ne doute pas d'une meilleure exactitude des relevés de spécialistes taxonomistes en vue d'établir un atlas par rapport aux données collectées par de simples citoyens, mais il me semble qu'ils<br /> ne répondent pas au mêmes objectifs. Ils ne sont donc guère comparables. On peut seulement espérer qu'ils soient complémentaires. En outre, c'est grâce à cette participation active et dans la<br /> durée des naturalistes amateurs que certaines tendances et connaissances scientifiques ont pu être validées - notamment pour les oiseaux, auxquels vous faites références. L'avenir nous dira si,<br /> pour les insectes floricoles, ces suivis photographiques auront un intérêt scientifique effectif. Je l'espère, quitte à en améliorer le dispositif en cours de route.<br /> Merci pour votre commentaire. <br /> <br /> <br /> <br />

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